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Julie d'Aragon

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La beauté fait signe de la direction au chercheur 
(texte écrit dans le cadre du "croisement des arts" en mars 2020 à Chartres)



La recherche de la beauté est la recherche de plus grand que soi.

Une fois nourri, soigné et chauffé l’Homme recherche le beau.
Que ce soit la recherche d’un paysage ou la recherche d’une œuvre exceptionnelle, c’est la volonté d’être émerveillé et touché qui guide ses pas. Et de même que des écrits nous troublent parce qu’ils nous permettent de mettre des mots sur ce que nous ressentions, une œuvre nous parle car elle nous révèle quelque chose de nous.

Elle révèle quelque chose de nous en temps qu’être unique et quelque chose de nous en tant que membre d’un groupe, d’un peuple.

Quand nous visitons un pays ou une région nouvelle, même ceux qui souhaiteraient échapper aux lieux touristiques, font le détour pour admirer ce que ses habitants ont choisi de leur montrer. Ils s'imprègnent alors de ce qui compte aujourd’hui pour les habitants de la région. C’est en cela que la beauté est un signe d’union d’un peuple qui se reconnait dans ce qui est beau pour lui et dans ce qui représente ses valeurs. 

A ce propos, au souhait qu’un de ses collaborateurs avait de restreindre le budget alloué à la culture pour l’effort de guerre, Wintson Churchill avait répondu « alors pourquoi nous battons nous ? ».

En tant qu’individu, il me semble que l’artiste est un « bras » du créateur. Il ne crée pas la beauté ; elle existe déjà. Il participe juste à sa révélation par son langage propre.
Ne clame-t-on pas d’un ton enjoué mais autoritaire, devant une œuvre exceptionnelle pourtant réalisé par l'Homme : « ceci est la preuve de l’existence de Dieu » ; 
La beauté se choisit. Entre mille façons de faire quelque chose, il y a ce qui est pratique, ce qui est bon marché, ce qui est rapide et ce qui est beau. Quelques fois cela peut-être tout en même temps mais bien souvent l’esthétique demande des efforts supplémentaires.
Pour le peintre, la recherche du beau est un chemin. Ce n’est pas forcément le plus facile mais c’est le plus évident comme il est évident de préférer s’exprimer dans sa langue maternelle.
Celui qui, pour réaliser son œuvre travaille afin de révéler aux autres ce qu’il ne pourrait dire autrement est surtout un chercheur. Il cherche de nouveaux mots, de nouvelles expressions. Il cherche sa route, avance, prends des bonnes ou des mauvaises directions mais continue de chercher.
Michel Ange s’est-il arrêté après avoir peint la chapelle Sixtine ? Le Bernin a-t-il renoncé à l’art après avoir sculpté l’enlèvement de Proserpine ? Non, ils ont continué de chercher.

Arrêter de chercher le beau pour un peintre c'est comme arrêter de parler.

Alors la beauté fait signe comme l’étoile suivie par les bergers et les rois mages. Car, la beauté interpelle sans ambiguïté. La beauté n’a pas besoin d’explication, elle touche par ce qu’elle est. Et c’est par ce qu’elle est que l’on vient à elle.

Elle fait signe de la direction à prendre. Qui irait avec son troupeau ou les bras chargé des cadeaux vers quelque chose qu’il n’espérerait pas beau ? qu’il n’espèrerait pas plus grand que lui ? 
Le peintre, comme le chercheur avance à son rythme vers plus grand, il trace, dessine, efface, colore, mélange ses médiums sans savoir exactement où il va il sait ce qu’il recherche.

La beauté me fait signe.

6 janvier 2020, jour de l'Epiphanie.

21 mai 2024
Il n'est pas courant que je prenne la plume pour m'emparer de sujets "politiques". Je suis peintre et les nouvelles ne sont pas bonnes... alors j'imaginais bien laisser cela à ceux qui ont choisi d'en faire leur métier. Mais ce matin, je me suis réveillée la boule au ventre. La boule au ventre car j'ai réalisé que le corps médical était en passe de ne plus me protéger, de ne plus protéger ceux que j'aime. Tout de suite j'ai pensé aux amis et aux membres de ma famille qui auraient été éligibles au suicide assisté, il y en a beaucoup... Certains sont morts, certains se sont remis de ces diagnostics qui ne leur donnaient que quelques mois à vivre, certains se sont accommodés d'une nouvelle situation de handicap dans laquelle ils trouvent un bonheur. Tous ont pourtant accusé le coup sévèrement quand est tombé le verdict. Sur le moment peut-être auraient il préféré fermer les yeux pour toujours. Fermer les yeux pour ne pas mener ce combat douloureux et on ne peut que les comprendre.... Mais tous ont vu dans le médecin qui avait prononcé le serment d'Hippocrate et dans les équipes médicales, l'appui infaillible de ceux qui, plus que tous, avaient choisi la vie.... Si cette loi passe, ce sera à chacun d'avoir le cran de se battre... J'ai pensé aux plus jeunes, aux moins solides d'entre nous et même à moi... Si je n'étais pas capable de résister à un tel choix... Tous le disent en soins palliatifs, "à un moment".... "à un moment j'ai voulu mourir"... un moment, juste un moment qui fera basculer une vie sous le regard apaisé du législateur... Je me suis recroquevillée en pensant à ma souffrance si l'un des miens choisissait une telle option alors que la médecine fait des progrès tous les jours... A-t-on posé la question aux proches de suicidés ? à cette douleur qu'ils gardent pour la vie... J'ai fermé les yeux et j'ai entendu un homme en blouse blanche me dire : "Vous préférez 12 mois de traitements douloureux pour gagner 2 ans de vie ou une piqure qui règlera le problème en quelques minutes ?"... Coup de poignard... Ce n'est pas facile de choisir la dignité... La dignité ne choisit jamais la facilité, c'est pour cela qu'on la célèbre... Et pourtant ces deux années seront peut-être les plus importantes, celles où j'apprendrai que ma famille s'agrandit, celles où je me réconcilierai avec un parent, un ami, celles où je poserai un œil plus doux et plus indulgent sur ce monde qui m'entoure, celles où je me préparerai à mourir en paix... une paix pour moi et une paix pour les autres... Face à la mort, nous sommes certes seul face à ce que nous avons fait de cette vie donnée. Mais notre mort ne regarde pas que nous... Elle regarde ceux que nous laissons. Ceux qui nous aiment d'abord, puis ceux qui nous entourent et toute la société ensuite. Que nous le voulions ou non, nous faisons partie d'un groupe, d'une société ou chaque vie compte... A chaque histoire criminelle que j'entends, à chaque scandale pédophile, pour chaque féminicide, je souhaite bien souvent que le criminel meurt. Et pourtant je suis viscéralement contre la peine de mort. Soyons honnête, nous comprenons la famille de la victime qui souhaite la mort de l'assassin mais ceci est inacceptable et la société est là pour le dire. L'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers.... Pour la fin de vie, c'est la même chose, c'est à la société de rendre sa dignité à celui qui est diminué, fatigué, las de se battre... Quand je dis à quelqu'un "tu peux choisir de mourir, ta vie ne vas plus être intéressante" quel signe est-ce que je donne aux autres ? La dignité de notre société, la dignité de l'Homme c'est d'aimer l'autre dans quelque état qu'il puisse être. C'est aimer l'autre même si on ne comprends plus trop ce qu'il dit, même si la maladie et la souffrance l'ont défiguré, même si avec ce qu'il endure il n'est plus vraiment aimable.... Dans un chenil, quand un chien faiblit, le reste de la meute se jette dessus pour l'achever. En sommes-nous réduit à cela ? Mesdames, messieurs les députés, si vous votez cette loi vous devrez également retirer le mot "fraternité" de notre devise nationale, elle ne sera plus...
par Julie D'Aragon 23 mars 2023
"Il n’est de plus grande richesse que l’Espérance. Il y a dix ans, les yeux fermés, j’ai posé le doigt sur un globe afin de décider de ma prochaine destination de voyage. Le hasard (ou la providence) choisit l’Arménie. Ce résultat m’a emballée, je m’y suis précipitée sous la chaleur écrasante de l’été et en suis revenue subjuguée. Le voyage a duré bien au-delà de la dizaine de jours que nous avions passé là-bas car mon esprit est resté comme aimanté à ce pays, à son histoire, à sa langue, à ses traditions … et depuis je scrute ce qui s’y passe avec attention, à l’affut de la moindre information. Aussi quand l’occasion d’y retourner en janvier 2022 s’est présentée je n’ai pas hésité, je suis partie sillonner le pays. La donne avait changé, le pays avait affronté l’Azerbaïdjan 14 mois auparavant, il y avait eu 3500 morts et la situation géopolitiques n’était toujours pas stable… Dans ce pays coincé entre des voisins hostiles, où l’agriculture peine avec 95% de sa surface au-dessus de 1000m d’altitude, où les températures sont négatives 4 mois de l’année, où il n’y a aucune ressource dans les sous-sols, qui pleurent ses enfants et où la paix est incertaine, il subsistait quelque chose d’extra-ordinaire. J’avais du mal à saisir cela, j’avais du mal à comprendre également cet élan, cet attachement pour un pays dont l’avenir paraissait si noir. Jusqu’à ce que, je comprenne que ce peuple a quelque chose de plus fort que l’argent, de plus fort que la mort, de plus fort même que la terre, ce peuple a l’Espérance. Cette Espérance n’est pas récente, elle vient de loin, depuis que Noë échoua son bateau sur le Mont Ararat et qu’une colombe lui porta un rameau d’olivier. Depuis ce jour, ce peuple est fortifié de ce qui ne s’achète pas et soulève les montagnes : l’Espérance. Pour moi, croyante depuis toujours, l’Espérance n’est pas un mot anodin mais ce dernier voyage et les mois qui ont suivi ont été comme la démonstration de ce que peut être l’Espérance quand elle est collective. Quand elle est collective l’Espérance se bat pour conserver ce qui l’a construite : son histoire, sa culture, sa foi. Quand elle est collective, l’Espérance cousine avec la beauté et les artistes l’annoncent. L’Espérance est contagieuse* , transmettons là ! " Janvier 2023 Julie d’Aragon *Gérard Martin : « l’Héroïsme est contagieux l’espérance aussi »
par Julie D'Aragon 8 mars 2022
Marie est la mère du Christ. Élevée dans une famille catholique je ne pense à personne d’autre, sinon à quelques bonnes amies, à l’évocation de ce prénom. Marie c’est cette femme, douce, dévouée, sensible et protectrice que l’on prie et invoque pour qu’elle nous présente à son fils. C’est souvent la première que l’on a prié enfant, à cette période où rien n’est plus précieux qu’une mère. Ce prénom d’une simplicité déconcertante contient en lui-même l’histoire de nombreux peuples et fait l’objet de représentations infinies. Pourtant nous ne connaissons pas ses traits réels. Chaque peuple la représentera sous les traits des femmes les plus pures qu’il connaisse. Ces représentations sont également influencées par ses diverses apparitions mais finalement son vrai visage reste un mystère. Parce que ce n’est pas très important, Marie est celle qui est proche de nous et nous montre un chemin par son caractère et sa pureté. Et c’est parce que le Bon et le Beau sont liés que les peintre ou sculpteurs qui l’ont représentée lui ont toujours attribué les visages les plus gracieux. Et ces illustrations sont nombreuses, de l’Annonciation à l’Assomption en passant par la Nativité et le pied de la Croix, tous ces moments ont été l’occasion de nous la montrer. Et pourtant, il en manque encore… Nous n’avons jamais vu de « Marie en colère » ou de « Marie qui se fâche »... La figure de Marie est toujours rassurante. Contrairement à Jésus qui réprimande les marchands du temple et qui nous parle du jugement dernier, jamais Marie ne fait peur ! Mais on ne retrouve pas non plus « Marie qui chante », « Marie qui rit » ou « Marie qui danse ». Et personnellement ces représentations me manquent car je ne doute pas que cette femme qui a aimé le monde et élevé le Christ a probablement chanté des berceuses, ri aux premiers pas de son enfant et dansé aux noces de Cana… Alors c’est une chance, car sur ce sujet qui nous dépasse il reste un travail fou à accomplir pour continuer de montrer au monde les différentes facettes de cette femme remarquable. Julie d’Aragon
par Julie D'Aragon 20 octobre 2019
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